The Newsroom 27

30 juillet 2024

En Lettonie, un programme prometteur pour enrayer le chômage des jeunes

De tous les États baltes, c’est celui qui présente le taux de chômage le plus élevé chez cette catégorie de population. Toutefois, le pays peut compter sur un projet de grande envergure destiné aux jeunes NEET (ni en études, ni en emploi, ni en formation).

Oļesja Garjutkina - Maud Cigalla

Latviešu valoda

En Lettonie, un programme prometteur pour enrayer le chômage des jeunes
Des bénévoles de l'ONG Young Folks lors d'une sortie à vélo. | Young Folks LV

«J’avais envie d’essayer le dessin académique depuis longtemps. J’ai enfin pu réaliser mon rêve et j’ai compris que ce n’était pas fait pour moi. Tous les frais sont pris en charge, ce qui n’est pas négligeable, car du matériel et des cours de qualité, cela a un prix. J’aime l’idée de pouvoir essayer différents types d’activités gratuitement», déclare Emma Romanova, qui participe à l’initiative «Proti un Dari» («Savoir et faire») déployée en Lettonie.

Ce projet, lancé en 2014, est destiné aux jeunes NEET (ni en études, ni en emploi, ni en formation) âgés de 15 à 29 ans. Ceux-ci se voient proposer une orientation professionnelle, des cours pour développer leurs compétences, des stages, ainsi qu’une aide à la recherche d’emploi.

En Lettonie, le pays balte qui présente le taux de chômage chez les jeunes le plus élevé et dont les chiffres avoisinent les moyennes de l’Union européenne, il s’agit d’un problème persistant. L’initiative «Savoir et faire» vise à inverser cette tendance, en ciblant les individus NEET qui rencontrent d’importantes difficultés dans leur recherche d’emploi.

L’objectif est également de changer la connotation négative associée au statut NEET, en mettant à disposition des ressources et des opportunités de développement personnel et professionnel, afin de faciliter l’intégration de ces jeunes sur le marché du travail et dans la société en général.

Une sensibilisation à la question du chômage

Après la crise financière de 2008, qui a laissé des millions de personnes sans emploi, la Commission européenne a lancé l’initiative «Garantie pour la jeunesse», afin d’identifier les groupes NEET et de proposer une analyse de la situation des différents États membres. En Lettonie, juste après la crise financière, le taux de chômage a enregistré une hausse significative, le nombre de personnes sans emploi passant de 79.000 en 2008 à 210.000 en 2010. Toutefois, ces chiffres ne représentent que les demandeurs d’emploi inscrits; les chiffres réels, eux, sont bien plus élevés.

L’initiative «Garantie pour la jeunesse» a mis en lumière deux groupes de demandeurs d’emploi en Lettonie: les NEET inscrits et les NEET «cachés». Pour répondre à cette problématique, les différents ministères du gouvernement ont travaillé de concert pour proposer une nouvelle approche, composée de trois grands axes.

Les NEET inscrits bénéficient du soutien de l’Agence nationale pour l’emploi, qui propose des politiques axées sur l’emploi, ainsi que des programmes de formation. L’Agence de développement de l’éducation, en partenariat avec les établissements d’enseignement, a mis en œuvre des formations professionnelles qui délivrent des qualifications au bout d’un an. L’Agence pour les programmes internationaux de jeunesse, en collaboration avec les municipalités locales, a lancé le projet «Savoir et faire», qui propose des programmes de mentorat pour les NEET qui ne sont pas inscrits.

De jeunes Ukrainiens suivent un cours de comptabilité appliquée aux travailleurs indépendants afin de travailler dans ce domaine. | @proti_un_dari via Instagram

Une lueur d’espoir

L’initiative, largement financée par l’Union européenne et dont la première phase s’est achevée en 2023, a été prolongée jusqu’en 2029, en raison de ses effets bénéfiques sur le taux de chômage. La première phase du projet a rassemblé 5.206 jeunes NEET, un chiffre qui dépasse l’objectif préalablement défini par les différents ministères. Plus de 70% des participants ont terminé leur programme de formation et ont désormais soit repris des études, soit trouvé un emploi, aussi bien en Lettonie qu’à l’étranger.

Le projet propose un programme d’activités personnalisé pour les jeunes, qui peut durer jusqu’à neuf mois. Les membres du programme peuvent suivre un apprentissage non formel et informel, des consultations personnalisées, participer à des événements (tels que des camps, des séminaires, des séances de sport et des activités culturelles), faire du bénévolat et s’engager dans des ONG ou des centres de jeunesse. Ils sont également invités à découvrir différents métiers par le biais de visites d’entreprises et de formations professionnelles.

Chaque participant bénéficie d’un profilage détaillé afin de se voir attribuer un programme personnalisé fondé sur les quatre piliers d’apprentissage de l’Unesco: le développement personnel, l’inclusion sociale, l’éthique du travail et la formation continue. Ce soutien comprend des programmes de mentorat, des opportunités d’apprentissage, des consultations d’experts et une participation active aux événements. «Plus vite nous aidons les jeunes, plus vite ils se libéreront du statut NEET. C’est l’objectif de notre projet, explique Viola Korpa, la directrice. Il s’agit de montrer aux individus NEET qu’il est possible de s’en sortir.»

L’initiative fait l’unanimité chez les participants, pour des raisons qui leur sont propres. Zlata, une participante qui travaille désormais avec l’ONG Young Folks, souligne à quel point le projet a facilité son intégration en Lettonie. «J’arrivais d’Ukraine, je ne connaissais personne ici. Dans le cadre du projet, j’ai pu rencontrer une multitude de personnes ambitieuses. Au cours du programme, et même après, j’ai pu améliorer mes compétences en gestion et en marketing. J’étais tellement attachée à Young Folks que j’ai décidé de rester dans l’équipe, même après la fin du programme», confie-t-elle.

Des activités spécifiques sont également réservées aux jeunes en situation de handicap, dans le but de garantir l’inclusion et l’accès à tous. Le projet collabore notamment avec la Latvian Society of the Blind (Société des personnes aveugles de Lettonie), ce qui permet aux personnes malvoyantes de travailler dans plusieurs domaines. Par exemple, l’un des participants rédige des articles pour le magazine Rosme, spécialisé dans la production de contenu écrit en braille.

Un atelier de maquillage animé par Sāra Zaļuma. | @proti_un_dari via Instagram

Les ravages de la pandémie de Covid-19

D’après les statistiques de l’Agence nationale pour l’emploi de Lettonie, plus de 61,2 milliers de personnes étaient au chômage en 2023. Les jeunes (15-24 ans) représentaient 13,9% de l’ensemble des chômeurs. Ainsi, les données référencées proviennent du nombre de personnes qui se déclarent officiellement «sans emploi». Toutefois, le nombre réel de demandeurs d’emploi exclus de ces statistiques est bien plus élevé.

La pandémie n’a rien arrangé: la qualité de l’éducation s’est dégradée, compte tenu du manque de préparation des établissements à la numérisation totale de l’enseignement. En revanche, les critères d’admission des universités et des employeurs restent inchangés –un diplôme solide et une expérience professionnelle sont toujours attendus.

Début 2021, le Centre de psychothérapie pour adolescents et jeunes adultes a publié une étude examinant les effets des restrictions de la pandémie de Covid-19 sur les adolescents et les jeunes adultes en Lettonie. Les résultats sont sans appel: 54,5% des jeunes mentionnent une baisse de leur bien-être mental durant cette période. 19,8% d’entre eux évoquant même une dégradation importante.

La demande en matière de services de santé mentale a alors explosé, entraînant de terribles délais d’attente chez la plupart des thérapeutes, et ce pendant une période prolongée. Les services téléphoniques d’urgence, dépassés par un trop grand nombre d’appels alors laissés sans réponse, n’ont pas pu répondre à la détresse de leurs auteurs. Les délais d’attente en ligne pour les thérapies gratuites, pouvant aller jusqu’à trois ans, n’ont fait qu’exacerber cette situation. La pression sans précédent exercée sur ces ressources a mis en lumière le besoin urgent de systèmes de santé mentale plus solides et accessibles.

Un cours de maquillage en ligne. | @proti_un_dari via Instagram

Heureusement pour les jeunes demandeurs d’emploi en détresse, l’initiative «Savoir et faire» a poursuivi son action même pendant le confinement. Pour Viola Korpa, le travail à distance n’a jamais été un frein, le programme étant en mesure de couvrir les différents besoins d’équipement technique. Le matériel informatique des centres d’éducation a été transféré chez les participants. Dans certains cas, le taux de participation des jeunes était même supérieur aux niveaux prépandémiques. «La distanciation sociale affecte considérablement les plus jeunes. Nous travaillions principalement avec des jeunes pour qui le projet constituait déjà une forme d’échappatoire, mais qui se retrouvaient de nouveau coincés chez eux», déclare Viola Korpa. Elle souligne également la multiplication des opportunités de mentorat pour les personnes le nécessitant, afin de faire face aux conséquences de la pandémie.

Le projet «Savoir et faire» souffre néanmoins d’un manque de visibilité, en raison d’une publicité insuffisante et d’une faible activité sur les réseaux sociaux. L’opportunité que représente le programme est ainsi principalement diffusée via le bouche-à-oreille, dans les cercles spécifiques impliqués dans le travail de jeunesse, notamment parmi ceux qui suivent de près l’Agence nationale (JSPA) et ses annonces de projets. Un manque de communication aux effets rédhibitoires pour de nombreuses personnes NEET. Interrogée sur le sujet, Viola Korpa n’a pas répondu.

Quel avenir pour l’initiative «Savoir et faire»?

Le projet, dont la seconde phase commencera fin 2024, a fait l’objet d’un certain nombre d’améliorations. Parmi elles, citons une initiative de mentorat qui se poursuit après la fin du programme, afin de continuer à offrir un accompagnement personnalisé à ces jeunes. L’objectif est de faciliter leur intégration dans les établissements d’enseignement ou sur le marché du travail, aussi bien dans le cadre d’une reprise d’études que dans la recherche d’un emploi. À plus long terme, il s’agit aussi de réduire le risque pour les participants de revenir au statut NEET après la fin du programme.

Les frais de traitement seront également pris en charge dans le cadre du projet. Ainsi, si un jeune a besoin d’une aide médicale (en matière de santé physique comme de santé mentale), l’ensemble des dépenses seront couvertes par l’initiative «Savoir et faire», ce qui permet de réduire les délais d’attente pour les rendez-vous médicaux gratuits.

Même si le projet ne cesse d’évoluer pour s’adapter à la réalité économique et sociale fluctuante de la Lettonie, son objectif premier reste clair: favoriser l’autonomie des jeunes en comblant le fossé entre l’enseignement formel et la réalité du marché du travail. Ce projet, qui répond aux défis immédiats soulevés par le chômage, offre également aux jeunes les compétences et la confiance nécessaires pour mener à bien leur future carrière.


Union européenneCet article a été réalisé dans le cadre du projet The Newsroom 27, qui a reçu le soutien financier de l'Union européenne. L'article reflète le point de vue de son auteur et la Commission européenne ne peut être tenue responsable de son contenu ou usage.